Au cours des années cinquante, le jeune homme, qui avait un fort taux de testostérone, se devait de partir en croisière, sur les grands boulevards, à la recherche de l’âme soeur. S’il voulait avoir un certain succès, il était préférable, pour lui, qu’il soit au volant d’une voiture imposante, capable d’accueillir six passagers de taille adulte, qui en réalité, souvent se changeaient en 10 ados de préférence de sexe opposé, bien empilés, les uns sur les autres, surtout si la voiture était décapotable. Le toit baissé, avec la queue de renard bien fixée à l’antenne de la radio, complétait le tableau. De plus, son auto devait être assez tape-à-l’oeil pour impressionner la galerie. Elle devait donc avoir le plus de chrome possible, avec les enjoliveurs de roues pleine grandeur, des pneus à flancs blancs.
La motorisation aussi était importante. Le V-8 était incontournable et l’échappement double indispensable. Ceux dont le papa avait malheureusement une auto six cylindres, cachaient cette lacune honteuse en fixant un petit bout de tuyau, sous le parechoc arrière, afin d’avoir deux tuyaux d’échappement. Le cirque débutait après le souper. Le cortège remontait la rue principale pour redescendre une rue parallèle, jusqu’à tard le soir.
Les véhicules idéaux pour ce genre de défilé étaient nombreux. La Mercury répondait à ces critères, plus particulièrement à partir de 1955, alors qu’une toute nouvelle carrosserie faisait son entrée.
Les origines de la marque Mercury remontent au milieu des années trente. En 1922, Henry Ford achetait la marque Lincoln, alors en faillite. Il nomma son fils Edsel au poste de président de sa nouvelle acquisition. Ce dernier avait un sens de l’esthétique très aiguisé. Il fit construire les plus belles Lincoln de l’histoire de la compagnie. Avec la disparition de la Ford T, en 1927, et l’arrivée de la Ford A, en 1928, Edsel Ford constatait, avec amertume, le gouffre qui séparait la Lincoln de gamme supérieure et la Ford d’entrée de gamme. Il tentait, sans grand succès, de convaincre son têtu de père de mettre sur le marché une auto de gamme intermédiaire, entre la Lincoln et la Ford.
Avec la crise économique qui frappa, en 1929, les ventes de la Lincoln s’écroulèrent, à pratiquement rien. Pour arrêter l’hémorragie, il mettait sur le marché, en 1936, une voiture de gamme intermédiaire qui porta le nom de Lincoln Zephyr. Malgré la crise économique, la Zephyr obtenait des chiffres de ventes se situant entre 15 000 et 21 000, alors que ceux de la Lincoln se chiffraient à 2 007, en 1933.
Edsel obtint enfin l’aval de son père, en juillet 1937. Il profita de la situation pour établir un studio de stylique et embaucha l’un des meilleurs styliciens de l’époque, Eugene Turenne Gregorie. Ils se mirent au travail, ayant à naviguer entre les dictats établis par Henry Ford. Ils avaient comme base de départ la plateforme de la Ford. Le travail fut terminé assez tôt pour présenter la nouvelle Mercury, aux concessionnaires et à la presse, à la fin du mois de septembre 1938. Le choix du nom fut un autre parcours du combattant, pour Edsel. Après de nombreux palabres, tenus autour d’une liste de 100 noms, le nom Mercury fut choisi. Ce nom, se voulait être une association au symbole que représente le dieu romain du commerce et des voyageurs, Mercure.
La nouvelle Mercury fut l’objet d’une réception très positive de la part des concessionnaires et de la presse.
Ce pauvre Edsel joua de malheur encore une fois. Alors que la Mercury voyait ses ventes progresser régulièrement pour atteindre 98 293, les fourbes et perfides Japonais attaquaient les Américains à Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, sans aucune déclaration de guerre, plongeant les États-Unis en état de guerre. La production automobile fut interrompue, en février 1942, pour être remplacée par la production d’armes de guerre.
Comme un malheur n’arrive jamais seul, Edsel Ford décéda le 26 mai 1943. La Mercury venait de perdre son protecteur. Quand la guerre cessa, en Europe, le 8 mai 1945, la compagnie Ford était pratiquement exsangue, perdant environ 15 millions de dollars par mois, à cause de la gestion pitoyable des sbires de Henry Ford, qui avait remplacé Edsel en tant que président de la compagnie, bien qu’il soit devenu pratiquement sénile. Malgré ou à cause de sa sénilité, Henry Ford refusait de démissionner et de remettre le poste de président à Henry II, son petit fils. Ce que Henry Ford voulait, c’était de dissoudre les compagnies Mercury et Lincoln et de retourner au temps glorieux de la Ford T. Devant son obstination, les femmes de la famille Ford, soit sa femme Clara et sa belle-fille Eleonor, veuve d’Edsel Ford, lui firent une offre qu’il ne put refuser. Elles le menacèrent de vendre les parts de la Compagnie Ford qu’elles détenaient, s’il continuait dans son égarement.
Il accepta et Henry II prenait la direction de la compagnie. Heureusement, il sut s'entourer d'une équipe d'hommes brillants et compétents qui remirent la FoMoCo sur les rails.
Dans un premier temps, les modèles 1946 furent mis sur le marché rapidement, car en fait ils étaient des modèles 1942 légèrement retouchés. Il fallut attendre 1949 pour voir des modèles vraiment nouveaux sur le marché. Ainsi, toutes les marques produites par Ford avaient des carrosseries neuves, tout en demeurant chacune dans leur gamme respective. La Mercury, toujours dans la gamme intermédiaire, utilisait, selon les années, une plateforme de Ford ou une plateforme de Lincoln, toujours avec beaucoup plus de chrome ou d’équipement, affichant le luxe avec ostentation. Malgré cela, elle n’a jamais été capable, au cours de son histoire, d’obtenir le niveau de popularité que connaissait la Ford. Elle parvenait quand même à se trouver une niche du marché en construisant des autos grosses, avec des intérieurs opulents. Elle était motorisée par des moteurs V-8, avec un niveau de performance adéquat. Contrairement à Ford, Mercury n’a jamais offert de moteurs six cylindres, à cette époque.
Quand on regarde notre vedette, une Mercury Montclair Phaeton 1956, il est difficile d’expliquer le fait que cette voiture ne fut pas aussi populaire que sa petite cousine, la Ford. Elle avait beaucoup plus à offrir que cette dernière, en étant beaucoup plus opulente, plus imposante et prestigieuse par sa taille et sa beauté.
Elle appartient à M. Fernand Belisle, qui l’a acquise en 2008. Elle a été restaurée par NRJ Performance. Neuve, son prix de vente était fixé à 4 065,00 $ CAN.