La première fois que Chevrolet utilisa le nom Impala, nom appartenant à une petite antilope africaine, c’était pour nommer une voiture concept, en 1956. Quand le nom fut utilisé, pour identifier une automobile de production, en 1958, le choix s’avéra prophétique, car l’Impala gambada en tête du palmarès des ventes, en seulement quelques années.
Aujourd’hui, cinquante-trois ans après son lancement, le nom Impala est revenu dans les rangs de General Motors. GM, après avoir connu une longue descente aux Enfers, qui s’est terminée par une faillite, est présentement à se rebâtir une réputation, en puisant généreusement dans sa liste nominative. Elle recycle des noms en usage au moment de ses glorieuses années, espérant que la magie émanant de la gloire s’y rattachant produise quelques retombées sur leur version moderne. Aujourd’hui, le nom Impala est porté par une berline traction avant motorisée par un V-6 qui possède une longue liste d’options qui la rend compétitive avec les autres berlines de sa catégorie. Ceux qui l’achètent le font pour une multitude de raisons, mais la passion n’en fait pas partie.
Dans ce domaine, GM n’est pas tellement différente des autres marques. Elles construisent des automobiles pour répondre aux besoins des clients du vingt-et-unième siècle. Ces voitures sont construites à la perfection par un comité d’experts en une foule de matières, suivi d’un sondage étudié par un autre comité, avant que la première auto sorte de l’usine. On est loin du jour où une automobile pouvait être mise sur le marché à la suite d’une intuition d’un gros bonnet de la compagnie, comme l’a été la Buick Skylark 1953, construite pour souligner le cinquantième anniversaire de la marque.
En 1958, alors que les premières Chevrolet de série à porter le nom d’Impala arrivaient chez les concessionnaires, on était loin de s’interroger sur le sexe des anges, comme aujourd’hui. Cette Impala était magnifique, irrésistible, quelquefois flamboyante et grâce à de nouveaux moteurs V-8 encore plus puissants que leurs prédécesseurs, capable de laisser deux magnifiques bandes de caoutchouc brulé, sur le pavé. Pour les amateurs de l’époque, le nom Impala, particulièrement après que le sigle SS y fut ajouté, en 1961, marquait l’entrée bruyante de Chevrolet dans le monde de la haute performance.
Avant que le nom Impala soit apparu sur une Chevrolet, il avait été utilisé pour nommer une Corvette futuriste présentée aux Salons de l’auto, en Amérique du Nord, au GM Motorama 1956. Chevrolet, devant le succès du Thunderbird de Ford et les ventes anémiques de la Corvette, cherchait désespérément à élargir le marché de sa petite deux passagers en fibre de verre. La raison d’être, de cette Corvette Impala quatre passagers, était de justement tâter l’intérêt du public, pour ce genre de véhicule. Le concept ne s’est jamais rendu à la production, mais le nom et quelques détails de son dessin ont été ajoutés à la Chevrolet 1958.
L’Impala ne pouvait pas arriver à un meilleur moment. Chez GM, on avait inscrit au programme un nouveau dessin des carrosseries des cinq marques, pour 1958. Très peu des pièces des modèles 1955 — 57, devaient être conservées, sauf les moteurs et quelques noms de modèles. Même le vénérable six cylindres et le V-8 283 devaient obtenir du renfort, sous le nouveau capot de la Chevrolet..
Le travail préliminaire sur la Chevrolet 1958 avait débuté au milieu de l’année 1955. À cette date, le potentiel de vente de la Chevrolet 1955 n’était pas encore complètement connu, car son dessin était radicalement différent de celui des modèles 1953-54. Le stylicien Clare MacKichan et son équipe, ainsi que les styliciens de Pontiac s’étaient mis à l’oeuvre, en juin, afin d’établir les paramètres de la plateforme A de GM, qu’ils devaient partager. Au mois d’octobre, les premiers dessins, qui devaient influencer la version finale de la Chevrolet 1958, étaient tombés dans l’oeil de l’ineffable Harley Earl, vice-président du studio de la stylistique de GM. Sept mois plus tard, les grandes lignes du dessin final étaient déjà bien établies.
Ce dessin était d’une facture radicalement différente de celle des modèles antérieurs. Les lignes angulaires des modèles 1955 — 57 étaient devenues beaucoup plus rondes, plus extraverties. Les dimensions répondaient au mantra de l’époque en stylistique; plus long, plus large, plus bas. Les ailerons pointus, à la verticale, de la Chevrolet 1957 avaient cédé la place à des ailerons horizontaux sculptés dans les ailes.
Sous cette nouvelle carrosserie se trouvait un nouveau châssis, avec une toute nouvelle suspension, montée sur quatre ressorts à boudin.
Un nouveau moteur s’ajoutait à la liste des options. Il s’agissait du V-8 283, dont la cylindrée avait été poussée à 348 p.c. Il était offert en deux versions. La première était alimentée par un carburateur à quatre corps, capable de fournir 250 ch, alors que l’autre et ses trois carburateurs à deux corps avait une puissance de 280 ch. Une version à trois carburateurs de 315 ch a été ajoutée, plus tard. Au cours des années précédentes, le modèle haut de gamme était la Bel Air. L’Impala 1958 a été présentée comme étant la plus luxueuse des Bel Air. Le haut de gamme du haut de gamme quoi! Elle a été présentée en deux modèles, une deux portières à toit rigide et une décapotable. Elle se distinguait des autres modèles grâce à ses feux arrière triples et un évacuateur d’air factice, chromée, à l’arrière du toit, au-dessus de la lunette enveloppante, en plus de deux décorations chromées sur les ailes arrière.
Avec des ventes de plus de 181 000 Impala, la pérennité de ce modèle était plus qu’assurée.
Quand les modèles 1959 arrivèrent, avec leur nouvelle tôlerie, elles avaient été le résultat d’une révolution. Les grandes lignes du dessin des modèles en argile de la 1959 étaient déjà établies, au début de 1956. Puis, coup de tonnerre dans un ciel bleu, arriva la Chrysler 1957. Panique générale chez General Motors. En l’absence de Harley Earl, en voyage en Europe, les styliciens décident de tout jeter à la poubelle pour refaire leur travail, afin de montrer à Chrysler qu’ils étaient capables eux aussi, de faire des carrosseries aux lignes excentriques. Voilà pourquoi les marques fabriquées par GM, en 59, ont pratiquement toutes les mêmes pièces; même toit, même cadre de portes, etc. Seules les tôles extérieures sont différentes.
Le dessin des Chevrolet 1960 retourna à une silhouette plus sobre. Les feux arrière oblongs de la 59 avaient été remplacés par trois feux ronds. La bonne nouvelle, pour les mécaniciens et les propriétaires, était l’absence de la suspension à air et de l’injection d’essence de la liste des options...
Un extérieur nouveau avait été dessiné pour la Chevrolet 1961. Les ailerons à gogo avaient été remplacés par de simples moulures, même pas décorées de baguettes de flanc. Une berline a été ajoutée à la liste des modèles. Les grandes nouvelles étaient l’avènement de la nouvelle option Super Sport et du nouveau V-8 de 409 p.c.et ses 360 ch. Au Début, l’option SS n’était pas destinée aux poseurs. Celui qui désirait la commander devait choisir, au minimum, le moteur de 348 p.c. avec ses 305 ch. Des versions de 340 et 350 ch étaient également offertes à un prix relativement bas. Quelques années plus tard, l’option SS ne deviendra qu’une option tape-à-l’oeil, disponible même avec un moteur six cylindres sous le capot.
Quand les modèles 1962 arrivèrent sur le marché, la carrosserie avait subi un changement assez prononcé de son dessin. Sa silhouette était plus angulaire, plus imposante. L’avant et l’arrière étaient plus raffinés, alors que ses baguettes de flanc étaient relevées à la hauteur des poignées des portières.
Le succès de l’Impala reposait surtout sur son style. Au cours des années soixante, le dessin de ses carrosseries était devenu plus subtil, alors que ses moulures et garnitures devenaient plus éclatantes, ajoutant à l’ensemble une touche de luxe. La même formule était appliquée à ses intérieurs, qui étaient confectionnés avec des tissus de bonne qualité. L’Impala se donnait des airs de Cadillac du pauvre, ce qui était, pour la compagnie et pour ses propriétaires, excellent. M. Richard Côté, propriétaire de la Chevrolet Impala 1962 en vedette, ce mois-ci, ne peut qu’être en accord avec cette impression.