Pour trouver les racines de la compagnie sur laquelle la General Motors of Canada a été fondée, il nous faut remonter jusqu’au dix-neuvième siècle, dans la dimension temporelle et jusqu’en Irlande, dans la dimension géographique.
Depuis que l’Irlande était sous la domination britannique, le peuple irlandais était plongé dans la plus grande indigence. Les Anglais s’étaient emparés des meilleures terres et avaient pris le contrôle des exportations, plaçant les Irlandais devant un cul-de-sac. Comme ces derniers étaient très prolifiques, la population ne cessait d’augmenter pour se chiffrer à environ 8 millions, au début du dix-neuvième siècle. Les terres des cultivateurs irlandais étant déjà minuscules, leurs productions n’étaient pas assez grandes pour nourrir les familles devenues trop nombreuses. Comme les terres étaient majoritairement possédées par les Britanniques, il était devenu impossible aux Irlandais de se procurer un espace vital. Ils étaient en situation de famine constante. Cette situation empira davantage, quand arriva la grande famine de 1845, qui causa environ deux-millions de morts.
Il faut préciser que les Britanniques avaient plutôt bien exploité la Grande Famine, pour expulser les plus pauvres et gagner des terres supplémentaires. En effet, cette situation était gagnante gagnante et gagnante pour eux. Premièrement, ils se débarrassaient des Irlandais. Deuxièmement, ils prenaient leurs terres. Troisièmement, cerise sur le gâteau, ils envoyaient, au Canada, par milliers, des sujets de sa gracieuse Majesté qui avaient comme langue maternelle l’anglais. Cela allait dans le sens des recommandations que faisait le rapport Durham, en 1838, comme suite à la rébellion de 1837-38. Durham préconisait une émigration massive d’anglophones au Canada, afin de faciliter l’assimilation des Canadiens français, qui à l’époque, par la force du nombre avaient la majorité au Parlement, ce qui nuisait aux intérêts des commerçants anglais. Fin de la digression.
Comme nous l’avons vu, la seule possibilité qui s’offrait aux Irlandais était l’immigration vers l’Amérique du Nord, États-Unis et Canada. C’est ainsi que William McLaughlin s’embarquait avec femme et enfants à bord d’un frêle bateau, qui faisait partie d’une armada de quatre-cents vaisseaux transportant vingt-cinq milles émigrants, en direction du Fleuve Saint-Laurent, destination Grosse-Île, en face de la ville de Québec.
La quarantaine terminée, la Famille McLaughlin reprenait le fleuve jusqu’à Montréal. Trop pauvre ou trop pingre pour se payer le luxe d’une diligence ou d’un passage à bord d’un bateau à vapeur, William McLaughlin fit monter sa famille sur une barge transportant des marchandises entre Montréal et Toronto. Étant allèges, ils prenaient des immigrants à bord pour les conduire vers l’Ouest, dans le Haut-Canada. C’est bien connu, un malheur n’arrive jamais seul. En plus de l’inconfort de la barge, les bateliers étaient des Canadiens français, qui selon ce qu’ont rapporté quelques passagers, parlaient un français barbare émaillé des plus horribles jurons. Ces pauvres immigrants vécurent trois jours et trois nuits parmi ces matelots ressemblant à des flibustiers, dégoutés par leurs grossièretés, leurs présences bruyantes et comme si cela n’était pas assez, ils chantaient des chansons de bateliers, en français. Non, mais! quel manque de savoir-vivre devant des sujets de Sa Majesté Guillaume IV...
La famille McLaughlin s’est établie sur une terre, dans la paroisse de Cavan. Le plus jeune des fils de William, John, continua la lignée. L’un des fils de John, Robert, entreprit de fabriquer des manches de hache. Devenu très adroit à travailler le bois, il entreprit la construction de voitures hippomobiles. Bien humblement, il s’était autoproclamé le meilleur fabricant de voitures du Canada. Son entreprise étant devenue prospère, il fonda la McLaughlin Carrage à Oshawa, Ontario, en 1877.
Plus tard, suivant les conseils de ses deux fils, Samuel et George, il fonda la McLaughlin Motor Car, en 1907, engagea un ingénieur, demandant à ce dernier de lui construire un prototype d’automobile. Alors que le prototype commençait à prendre forme, l’ingénieur tomba malade, laissant le travail en plan. Afin de se dépanner, ils entrèrent en contact avec William Crapo Durant, qui venait de fonder la General Motors Corporation. Durant accepta, après négociations, de leur fournir des moteurs et des châssis de Buick. C’est ainsi que furent mises sur le marché les premières automobiles, avec une carrosserie fabriquée par les McLaughlin, montée sur un châssis de Buick Modèle F. Au début, les autos portaient le nom de Buick, puis vers la fin de l’année 1909, elles portaient le nom de McLaughlin, pour devenir les McLaughlin-Buick, en 1923.
Billy Durant, fidèle à lui-même, acheta une participation de plus en plus grande dans la compagnie McLaughlin, jusqu’à en détenir 50 %, en 1914. Entre temps, Durant avait été chassé de chez GM. Il revenait sur le marché, avec vengeance, grâce à sa nouvelle Chevrolet. En 1915, il offrit à Samuel McLaughlin de fabriquer la Chevrolet. Ce dernier accepta. Ainsi, il réunissait sous le même toit les marques Buick et Chevrolet, avant même qu’elles ne le soient sous la bannière GM. Avec le retour de Durant à la tête de GM et l’absorption de la marque Chevrolet, l’avenir de la compagnie McLaughlin était devenu aléatoire, car GM possédait dorénavant Chevrolet et Buick, alors que les droits de fabrication se terminaient dans seulement quelques années. Afin de maintenir leur compagnie et des emplois à Oshawa, les McLaughlin se résignèrent à la vendre à GM. Vente qui devenait finale, en décembre 1919.
Au cours des années vingt, la production entre les États-Unis et le Canada avait été harmonisée. La Oldsmobile a été fabriquée au Canada, à partir de 1921, suivie de la Oakland. En 1923, c’était au tour des camions GMC et de Cadillac. En 1926, arrivait la nouvelle Pontiac. Cette dernière était l’exacte copie de sa soeur américaine jusqu’en 1936. C’est ainsi qu’en 1937, apparaissait au Canada la Pontiac 224, qui était un hybride partageant plusieurs pièces avec la Chevrolet. La vraie mutation arriva en 1938, quand la Pontiac Special Six, qui était une Chevrolet Master déguisée en Pontiac arriva sur le marché. Cette pratique a continué jusqu’à la fin de Pontiac. Toutefois, afin de mieux séduire la clientèle canadienne, les noms des séries étaient devenus différents de celui des Pontiac américaines. Leur besoin de séduire était tel qu’ils ont même été jusqu’à utiliser des noms à consonance française comme Laurentian et Parisienne au risque élevé de s’aliéner les résidents du ROC (Rest of Canada).
Les nouveaux noms Laurentian et Pathfinder ont été donnés aux nouveaux modèles construits sur la nouvelle carrosserie qui arriva en 1953. En juin 1954, un signe avant-coureur de ce qui arriverait à GM Canada, se manifestait quand la production de la Pontiac Cheftan, huit cylindres, fut interrompue. À partir de 1955, les Pontiac de gamme supérieure étaient importées des États-Unis.
Un autre fait historique était survenu chez GM, soit l’arrivée du nouveau moteur V-8 de 265 p.c. de cylindrée. La Pontiac adopta donc forcément le moteur Chevrolet. Toutefois, en ce qui regarde les six cylindres, alors que Chevrolet utilisait le six de 235 p.c., Pontiac utilisait le six de 261 p.c. de cylindrée. Ce moteur était fourni par la division GMC, car il motorisait les camions.
Comme la Chevrolet et la Pontiac américaine, la Pontiac canadienne 1958 subissait des changements profonds, avec une carrosserie plus grosse et plus ronde et un nouveau châssis cruciforme. La suspension avant était la même, mais celle de l’arrière était, à partir de cette date, soutenue par des ressorts à boudin. Ceux qui étaient masochistes et aimaient avoir des problèmes pouvaient choisir la suspension pneumatique offerte en option.
Notre vedette, une Pontiac 1958, est issue de cette mouture qui a été la dernière à porter le nom de Pathfinder. Elle a été achetée par son propriétaire, M. Charles Barrette, en 1976. Il a entrepris une longue restauration qui a été terminée en 1988. Depuis ce temps, elle le comble de bonheur, quand il est à son volant, suivant les activités du Club VACM.